L'industrie nucléaire, un pilier stratégique du mix énergétique de nombreux pays, doit faire face à des défis cruciaux en matière de sécurité et de compétitivité. La digitalisation de ce secteur sensible s'impose comme une nécessité, et parmi les outils de pointe,* nous allons étudier comment la réalité virtuelle (VR) se distingue.
Sécurité et compétitivité : les enjeux majeurs de l'industrie nucléaire
L'industrie nucléaire doit relever de nombreux défis en termes de sécurité et de compétitivité. En matière de sécurité, on note la gestion des risques et à la sûreté des installations. La formation des travailleurs aux risques liés aux activités nucléaires est essentielle, et la réalité virtuelle offre une solution efficace en simulant des situations réelles dans un environnement virtuel sécurisé.
Par ailleurs, pour rester compétitive, l'industrie nucléaire doit s'adapter aux nouvelles technologies et méthodes de travail. C’est dans ce contexte que la réalité virtuelle se positionne comme solution prometteuse pour concilier sécurité maximale et efficacité opérationnelle.
Pourquoi la VR dans le nucléaire ?
L'industrie nucléaire a toujours été confrontée au défi de réaliser des opérations dans des environnements contraints, à risques et difficilement accessibles. Cela rend difficile les tests de nouvelles méthodes ou outils de travail sur les installations.
La digitalisation de l'industrie nucléaire se traduit par une transition des méthodes traditionnelles vers des solutions technologiques avancées. La VR s'impose comme un outil clé dans cette transformation, permettant une simulation réaliste et une formation hautement spécialisée. Le Laboratoire de Simulation Interactive du CEA List développe le moteur physique XDE depuis près de 20 ans, outil visant à faciliter la simulation d'opérations humaines ou robotisés dans un environnement virtuel.
En permettant la simulation d'environnements virtuels, la VR offre une plateforme d'entraînement immersive permettant aux travailleurs de se familiariser avec des scénarios complexes sans aucun risque réel. Cette technologie offre également la possibilité de tester et d'optimiser des procédures d'urgence, contribuant ainsi à renforcer la préparation face à d'éventuels incidents. Elle réduit les coûts associés à la création de maquettes physiques tout en offrant une flexibilité accrue pour s'adapter aux évolutions constantes du secteur.
INTERACT est un plugin d’Unity facilitant les simulations industrielles en réalité virtuelle. Il permet aux industriels de reproduire, tester, valider le comportement physique de différents processus et ou produits de manière réaliste.
1. Compétitivité accrue grâce à la réalité virtuelle
La réalité virtuelle émerge comme un catalyseur pour renforcer la compétitivité de l'industrie nucléaire. Elle accélère la conception de nouveaux réacteurs, tels que les réacteurs modulaires (SMR) et les réacteurs à eau pressurisée (EPR), en permettant une revue de conception à l'échelle 1. Elle favorise la collaboration en temps réel en réunissant toutes les parties prenantes dans un environnement virtuel immersif. Cela permet d'accélérer le processus de conception. Les ajustements et les améliorations peuvent être testés sans limite, permettant des itérations rapides et une réduction significative des délais de développement.
Par ailleurs, la réalité virtuelle apporte une solution préventive cruciale pour réduire l'indisponibilité lors des arrêts de maintenance. En anticipant certaines problématiques dès la phase de conception, les équipes peuvent simuler virtuellement les scénarios d'entretien, identifiant les zones à risque et évaluant les meilleures pratiques. Cette prévoyance permet d'optimiser les procédures de maintenance, minimisant ainsi le temps d'arrêt des réacteurs.
L'industrie nucléaire a été pionnière dans le développement de dispositifs de télé-opération, adoptant des technologies avant-gardistes pour permettre des interventions à distance dans des environnements hautement radioactifs. Ces dispositifs, souvent équipés de bras robotiques et de capteurs avancés, ont révolutionné les opérations de maintenance et de démantèlement en minimisant l'exposition humaine aux zones à risque ou difficile d'accès. Un exemple avec le projet Pi5G. Cette avancée témoigne de l'engagement de l'industrie nucléaire à innover pour assurer la sûreté tout en repoussant les limites technologiques dans des environnements complexes.
2. La réalité virtuelle : une solution pour la formation et la sûreté nucléaire
La réalité virtuelle offre des possibilités immenses pour la formation et la sensibilisation des professionnels travaillant dans l'industrie nucléaire. Les équipes peuvent recréer des environnements hautement radioactifs, permettant aux travailleurs de s'entraîner sans être exposés à des risques réels. Ils sont capable d'anticiper certaines problématiques. En simulant à l'infini des scénarios réels ou fictifs, les opérateurs s'entraînent dans des conditions sécurisées et répètent les gestes techniques essentiels à l'accomplissement de leurs tâches. En travaillant dans un cadre exempt de tout risque, on favorise une meilleure compréhension des tâches à effectuer.
Illustration :
L'INSTN (Institut National des Sciences et Techniques Nucléaires), en collaboration avec le CEA-List et la Direction de l'énergie nucléaire du CEA, développe le projet EVOC (Enhanced Virtual Open Core), une plateforme d'enseignement multimodale pour renforcer les compétences dans le domaine nucléaire. Lancée au dernier trimestre de 2018, la plateforme offre une formation immersive grâce à des simulations multi-physiques réalistes. Les stagiaires et étudiants peuvent ainsi effectuer des travaux pratiques inédits sur un réacteur de formation basé sur un modèle initial de type piscine. Cette approche pédagogique combine des ressources réelles et virtuelles, permettant aux apprenants de s'exercer individuellement ou en groupe sur des parcours d'entraînement en lien étroit avec les phénomènes physiques d'un réacteur.
La vidéo ci-dessous explique très bien le projet EVOC et les usages.
3. L'apport de la réalité virtuelle dans le démantèlement nucléaire
Le démantèlement des installations nucléaires est un processus complexe et risqué qui nécessite une formation rigoureuse des travailleurs. La réalité virtuelle offre une solution efficace pour former les travailleurs aux procédures de démantèlement et aux gestes techniques associés. Il est possible de simuler le démantèlement d'une installation nucléaire, en reproduisant fidèlement les caractéristiques géométriques, physiques et radiologiques de du réacteur.
ITER et la simulation virtuelle pour une sûreté nucléaire renforcée
ITER, est un projet rassemblant 35 pays pour la construction du plus grand tokamak de fusion nucléaire. Face au défi de concevoir un réacteur expérimental complexe, ITER s'est tourné vers LS GROUP et les équipes du CEA, pour exploiter les avantages de la réalité virtuelle.
Le réacteur étant encore en phase de conception, ITER utilise la réalité virtuelle pour effectuer des tests anticipés. Cette approche leur permet de simuler des interactions réalistes grâce au moteur physique XDE d'INTERACT.
INTERACT a permis aux équipes de valider des opérations complexes tout en garantissant gain de temps, conformité aux normes de sécurité les plus strictes.
En résumé, la réalité virtuelle s'impose depuis plusieurs années comme un pilier sécuritaire et opérationnel dans l'industrie nucléaire. Les cas d'usages évoqués dans cet article démontrent son efficacité avérée. Aujourd'hui, explorer cette technologie ne représente pas de risque, car des outils puissants et déjà industrialisés répondent à divers cas d'usage. La VR, prouvée et éprouvée, trace la voie vers un futur où sûreté nucléaire et efficacité opérationnelle se conjuguent sans compromis.
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